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Le droit local enfin traduit en français

La décision du Conseil constitutionnel du 30 novembre 2012 (décision n°2012-285 QPC) avait marqué la fragilité du droit local en l’absence de publication d’une traduction officielle au Journal Officiel des textes allemands dans la langue de Molière.

Voilà qui est maintenant fait avec la publication au JO du 15 mai du décret n° 2013-395 du 14 mai 2013 portant « publication de la traduction de lois et règlements locaux maintenus en vigueur par les lois du 1er juin 1924 dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ». Ce décret officialise la traduction de 47 textes du droit alsacien-mosellan.

Attention : la traduction officialisée est la version qui a été maintenue en vigueur en 1924, sans tenir compte des modifications qui ont pu être apportées postérieurement.

Exonération de la cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les « jeunes avocats »

L’article 1460-8° du Code général des impôts relatif à la cotisation foncière des entreprises prévoit une exonération en faveur des « jeunes avocats » applicable sur une durée de deux années.

Le point de départ de ce délai de deux ans est fixé au 1er janvier qui suit l’année au titre de laquelle est intervenue la première inscription au Tableau.

A l’heure actuelle, et sauf interprétation différente des Tribunaux, la position de l’Administration fiscale est la suivante : « le point de départ de l’exonération de cotisation foncière des entreprises est fixée à la date de prestation de serment ».

En d’autres termes, le fait d’avoir débuté sa carrière d’avocat par quelques années de salariat ne fait pas bénéficier l’avocat, lors de son installation en libéral, du délai d’exonération.

Avocat en structure conventionnée ? Non mais allô quoi !

Le Conseil National des Barreaux, dans sa résolution prise lors de son assemblée générale des 22 et 23 mars 2013, « propose la mise en place d’expériences pilotes de structures conventionnées par des barreaux volontaires ».

La possibilité ainsi envisagée consisterait à « conventionner » à plein temps ou à temps partiel un nombre réduit d’avocats au sein d’une structure aux fins de leur confier des missions d’aide juridictionnelle et des mission d’assistance en garde à vue, ces derniers percevant une rémunération forfaitaire quel que soit le nombre de missions d’aide juridictionnelle qu’ils accomplissent.

Ce conventionnement serait assorti d’une exigence de qualité revenant à ouvrir le droit à un avocat spécialiste avec le bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Cependant, l’UJA constate tout d’abord que le but poursuivi et d’ailleurs affiché dans la création de telles structures est avant tout de faire faire des économies à l’Etat, la référence à l’intérêt du justiciable étant parfaitement secondaire.

De plus, même en matière d’aide juridictionnelle le justiciable a le libre choix de son avocat et ce n’est que dans le cas où il ne fait pas ce choix qu’un avocat lui est désigné ou commis d’office. A l’évidence la structure conventionnée est une entrave à ce libre choix.

L’UJA rappelle ensuite qu’il est suffisamment répondu à l’exigence de qualité de la prestation de l’avocat par les termes de son serment, par l’obligation de formation continue et par la responsabilité professionnelle, le bénéfice de l’aide juridictionnelle n’ouvrant pas en soi le droit à un avocat spécialiste.

En outre, la création de telles structures a pour objet et pour effet de restreindre l’égal accès au marché de la première clientèle aux jeunes avocats en le réservant aux avocats salariés ou collaborateurs de ces structures.

La création de telles structures conventionnées d’une part placera les avocats employés par elles dans une dépendance économique, d’autre part renverra au justiciable l’image d’un avocat paupérisé et aseptisé, qui sont incompatibles avec les principes d’indépendance et de dignité régissant l’exercice de la profession d’avocat.

En conséquence, la création de telles structures n’est pas un service à rendre à la profession en général et aux jeunes avocats en particulier.

L’UJA rappelle qu’il est jugé par la CJUE (Arrêt n° C-492/08 du 17/6/2010) que les avocats ne peuvent pas être considérés comme des « organismes ayant un caractère social et étant engagés dans des oeuvres d’aide et de sécurité sociale ».

D’une part, les jeunes avocats libéraux sont des entrepreneurs qui ont vocation à développer une clientèle susceptible de leur assurer des ressources et un niveau de vie décent, d’autre part les jeunes avocats salariés n’ont quant à eux pas vocation à traiter exclusivement des missions d’aide juridictionnelle.

La création de « structures conventionnées » est donc en complet décalage avec la réalité de notre profession.

Il est à l’évidence suicidaire pour la profession d’avocat d’organiser à la charge de ses plus jeunes membres la gestion de sa propre misère.

En conséquence l’UJA de STRASBOURG et SAVERNE rejette la création envisagée de « structures conventionnées » pour répondre spécifiquement aux missions d’aide juridictionnelle et appelle les ordres des avocats de STRASBOURG et de SAVERNE à refuser de signer de telles conventions.

L’UJA de Strasbourg et Saverne

La résolution prise lors de l’assemblée générale des 22 et 23 mars 2013 est- consultable : http://cnb.avocat.fr/docs/accesaudroit/CNB-RE2013-03-22_ACD_Acces-au-dro…

Le traitement des prêtres et rabbins d’Alsace-Moselle reste à la charge de l’Etat !

Le 19 décembre 2012 le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la constitutionnalité de l’article VII des articles organiques des cultes protestants de la loi du 18 germinal an X, lequel énonce que l’Etat « [pourvoira] au traitement des pasteurs des églises consistoriales ».

Cette disposition, adoptée par la France en 1802, n’a pas été abrogée en Alsace-Moselle par la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation de l’Eglise et de l’Etat puisque l’Alsace Moselle était alors allemande. Elle n’a pas été davantage été abrogée en 1918 ou en 1945 lors du retour de l’Alsace Moselle dans le giron français, si bien qu’en Alsace-Moselle le traitement des pasteurs des églises consistoriales, mais également des curés et des rabbins, demeure à la charge de l’Etat.

Fin 2012 l’association pour la promotion et l’expansion de la laïcité a estimé qu’il devait être mis un terme à ce regime dérogatoire aux motifs que :

– le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ;

– la République ne reconnaît aucun culte ;

– le principe de laïcité impose le respect de toutes les croyances et l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion ;

– le libre exercice des cultes exige que la République ne salarie aucun culte.

Dans sa décision du 21 février 2013, le Conseil constitutionnel a toutefois jugé qu’il ressortait « tant des travaux préparatoires du projet de la Constitution du 27 octobre 1946 relatifs à son article 1er que de ceux du projet de la Constitution du 4 octobre 1958 qui a repris la même disposition, qu’en proclamant que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances », la Constitution n’a pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions législatives ou règlementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de l’entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l’organisation de certains cultes et, notamment, à la rémunération de ministres du culte ».

Le règlement par l’Etat du traitement des pasteurs des églises consistoriales n’est donc pas contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit.

Cette décision du Conseil constitutionnel n’est pas étonnante si l’on se réfère à sa décision précédente du 5 août 2011, laquelle avait jugé que les dispositions du droit local devaient rester en vigueur « tant qu’elles n’ont été remplacées par des dispositions de droit commun ou harmonisées avec elles ».

Le régime des cultes propre à l’Alsace Moselle est donc sauvé. Il serait toutefois grand temps de réfléchir à une modernisation de ce régime vieux de plus de 200 ans dont la religion musulmanne notamment ne bénéficie pas.

Conseil unique d’Alsace et Cour d’Appel de Colmar : même combat ?

Le 7 avril les alsaciens sont amenés à se prononcer par referendum sur la fusion éventuelle des conseils généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin avec le conseil régional d’Alsace.

Les avis sont très partagés :

– une chance historique ou

– une usine à gaz sans réelle économie d’échelle ?

En tout cas les esprits s’échauffent et cloche-merle est de retour. Pour preuve le tract du Maire de Colmar, Gilbert MEYER, distribué ce jour (ci-dessous en PJ), par des agents de la fonction publique !

« Malgrés-nous » : la fin d’une discrimination entre incorporés de force

Durant la seconde guerre mondiale, l’Alsace Moselle a été de fait purement et simplement annexée par le IIIe Reich et intégrée aux Gau (régions) de la Sarre (pour la Moselle) et du Pays de Bade (pour l’Alsace).

Si au début de la guerre les nazis ont eu des scrupules à integrer dans la Wehrmacht et la SS les jeunes alsaciens mosellans en âge de combattre, ceux-ci étant nés français et ayant fait toute leur scolarité sous le regime français, ces appréhensions ont disparu à l’été 1942 face aux saignées du front de l’est.

Ainsi, de 1942 à 1945 130 000 jeunes alsaciens mosellans ont été contraints d’intégrer l’armée allemande, les récalcitrants étant envoyés en camp de redressement (« camp de Schirmeck », de sinistre mémoire) ou dans des bataillons disciplinaires, les déserteurs fusillés et les parents des éxilés (en Suisse ou en France libre) déplacés en Allemagne profonde et tous leurs biens vendus.

Soldats contraints de se battre pour un pays qui n’était pas le leur, l’Allemagne nazie a jugé plus sûr de les envoyer sur le front russe où l’on manquait au demeurant de chair à canon. Environ 13 000 alsaciens mosellans capturés par les soviétiques ont été regroupés dans un camp de prisonnier à Tambov à 500 kms au sud-est de Moscou. Les conditions de vie régnant dans ce camp (comme dans tous les camps de prisonniers soviétiques) étant particulièrement rudes (sous-alimentation, hygiène déplorable, maladies, froid,…), beaucoup y ont laissé leur santé, voire leur vie.

Les alsaciens mosellans rentrés au pays dont l’invalidité avait pour origine leur séjour à Tambov ont été indemnisés par l’Etat français (20 ans plus tard). Par contre, ceux qui ont eu la malchance d’être fait prisonniers par les soviétiques sans être transférés à Tambov, n’ont pas eu droit au même traitement. Pourquoi ?

La réponse se trouve dans le décret n° 2013-105 du 29 janvier 2013 modifiant le décret n° 73-74 du 18 janvier 1973 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l’évaluation des invalidités résultant des infirmités et maladies contractées par des militaires ou assimilés au cours de la captivité subie dans certains camps ou lieux de détention.

Ce décret met fin à une discrimination manifestement sans fondement, ouvrant l’évaluation des invalidités à tous les militaires ou assimilés ayant été captifs dans un « camp sous contrôle de l’armée soviétique » (et non plus seulement à Tambov).

Il était plus que temps : les plus jeunes avaient 16/17 ans en 1945. Cette réforme vise donc, au mieux, des invalides qui ont 84 ans aujourd’hui. Il ne doit plus en rester beaucoup.

La maison d’arrêt de Colmar manifestement vétuste

La maison d’arrêt de Colmar (Haut-Rhin) était à l’origine un ancien couvent dont la construction date de 1316. Le couvent a été transformé en prison en 1791 et restructuré définitivement en 1806. Le bâtiment a très peu évolué depuis.

L’avocat d’un détenu de la maison d’arrêt de Colmar a rendu public le 24 décembre un rapport d’expertise judiciaire, réalisé en octobre à la demande de son client.

Ce rapport dénonce l’insalubrité de la maison d’arrêt où les détenus, à trois dans une cellule de 9,01 m2, ne disposent d’aucune intimité. L’aération des cellules est très difficile. Les douches présentent un « état de vétusté avancé » et le chauffage y est « très sommaire, voire inexistant ».(1)

Si cela ne suffisait pas, dans la nuit de la Saint-Sylvestre trois détenus se sont évadés de la maison d’arrêt. Après avoir creusé un trou dans le plafond de leur cellule commune, ils ont rejoint les combles de la prison et sont parvenus à rejoindre le palais de justice adjacent en passant par une lucarne de toit. Ils ont ensuit percé un trou dans le plancher et sont descendus à l’aide d’une corde tressée avec des draps pour finalement quitter le batiment par une porte donnant sur la rue. (2)

Quoi qu’en pensent MM. Eric Straumann et Jean-Louis Christ, députés UMP du Haut-Rhin, qui le 31 décembre 2012 ont entendu se rendre compte par eux-mêmes des conditions de détention à la maison d’arrêt de Colmar (3), le bâtiment n’est manifestement plus apte, depuis bien longtemps, à recevoir des détenus.

Que reste-il de l’article 526 du CPC ?

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné en 2011 la France au visa de l’article 6 §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (31 mars 2011, n°34658/07) au motif que la radiation prévue à l’article 526 du CPC (pour défaut d’exécution de la décision frappée d’appel) constituait « une mesure disproportionnée au regard des buts visés et que l’accès effectif du requérant à ce « tribunal » s’en est trouvé entravé ».

Cette décision qui pourrait au premier abord apparaitre logique (l’appelant devant impérativement régler une somme qu’il estime indue pour voir son appel examiné) est en fait hautement critiquable puisque l’appelant qui estime que l’exécution forcée prononcée en première instance est injustifiée et aurait des conséquences manifestement excessives, peut parfaitement saisir en référé le 1er Président de la Cour d’Appel d’une demande d’arrêt de l’exécution forcée (article 524 du CPC).

Un appelant a ainsi les moyens d’échapper à la « rudesse » de l’article 526 du CPC pour peu qu’il saisisse le 1er Président de la Cour d’Appel et le convainque.

Quoi qu’il en soit, par un arrêt du 16 janvier 2013 la Cour d’Appel de COLMAR a fait sienne la jusriprudence de la CEDH, déboutant la demanderesse de sa demande de radiation sur le fondement de l’article 526 du CPC au motif que la CEDH a jugé que cette radiation constituait « une mesure disproportionnée au droit d’accès devant la Cour d’Appel ».

A la lecture de ces 2 jurisprudences que reste-il de l’article 526 du CPC ? Manifestement rien.

L’allemand n’est pas la langue de la République

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 septembre 2012 par le Conseil d’État (décision n° 360487 du même jour) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’obligation faite aux artisans d’Alsace Moselle de s’affilier à une corporation.

Par sa décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012 le Conseil constitutionnel a répondu que cette obligation était contraire à la Constitution car constituant une atteinte à la liberté d’entreprendre.

Le Conseil constitutionnel ne s’est toutefois pas arrêté là. Il a par ailleurs entendu préciser que les dispositions contestées du code des professions d’Alsace Moselle, rédigées en allemand, n’ont jamais donné lieu à la publication d’une traduction officielle en français, alors même que :

– les lois du 1er juin 1924 portant introduction des lois commerciales françaises dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, l’avaient prévu,

– selon l’article 2 de la Constitution « la langue de la République est le français »,

– l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi est un objectif de valeur constitutionnelle en vertu des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789.

Dans la mesure où l’obligation faite aux artisans d’Alsace Moselle de s’affilier à une corporation était d’ores et déjà contraire à la Constitution car portant atteinte à la liberté d’entreprendre, le Conseil constitutionnel n’a pas entendu s’étendre sur ce 2e chef d’inconstitutionnalité. Mais la menace d’inconstitutionnalité plane pour toutes les dispositions du droit local alsacien-mosellan qui n’auraient pas fait l’objet d’une traduction officielle.

Or, ces traductions officielles sont bien souvent inexistantes, avocats, juristes et magistrats se basant sur des traductions officieuses.

Il y a de toute urgence un travail de publication (si ce n’est de traduction) à effectuer si l’on ne veut pas voir le droit local disparaitre.