Archive dans juillet 2011

L’Alsace-Moselle dépouillée de son contentieux

Par plusieurs arrêts en date du 10 juin 2011 (en PJ) le Conseil d’Etat a jugé qu’il était d’une bonne justice que les juridictions de l’Est de la France (et notamment celles de Strasbourg, Colmar et Mulhouse) se fassent dépouiller d’une part non négligeable de leur contentieux au seul profit de Nancy.

Ainsi, en matière de contestations de nationalité, de pratiques restrictives de concurrence ou de litiges concernant les obligations de publicité et de mise en concurrence des contrats de droit privé relevant de la commande publique, le Conseil d’Etat a confirmé que tout contentieux qui viendrait à s’élever dans l’Est de la France à ce sujet sera bel et bien de la compétence exclusive des juridictions nancéennes, alors même que Nancy est d’ores et déjà depuis plusieurs années le siège du pôle interrégional contre la criminalité organisée.

Au motif qu’il conviendrait de créer des pôles de compétences (alors que personne n’est dupe, la redéfinition de la carte judiciaire française est pour l’essentiel motivée par des raisons budgétaires), le Conseil d’Etat a consacré le dépeçage des tribunaux de Strasbourg, Colmar et Mulhouse, mais aussi de Besançon, Belfort, Dijon, …

Le Conseil d’Etat estime qu’il n’est pas illégitime que le justiciable ait désormais des centaines de kms à parcourir pour trouver un tribunal qui veuille bien connaître de son litige. Le Conseil d’Etat rappelle même que pour certains contentieux les juridictions parisiennes sont d’ores et déjà les seules compétentes pour la France entière (et pas uniquement en matière de terrorisme), sans s’en émouvoir.

Réforme des soins psychiatriques et intervention du JLD

Le Parlement a adopté ce 22 juin 2011 la réforme sur les soins psychiatriques (le texte de loi est consultable à l’adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/13/ta/ta0692.asp), laquelle conduira à compter du 1er août 2011 au contrôle par le Juge de la Liberté et de la Détention (JLD) d’un nombre important de mesures de soins psychiatriques sans consentement.

La loi prévoit que le JLD dans le ressort duquel se trouve « l’établissement d’accueil » (sic !) peut être saisi à tout moment aux fins d’ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d’une mesure de soins psychiatriques, qu’elle soit accompagnée ou non d’un placement d’office privatif de liberté.

La loi prévoit une liste relativement large de personnes pouvant saisir le JLD (la personne faisant l’objet des soins, les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur si la personne est mineure, le conjoint, concubin, PACSé, un parent, le procureur de la République, etc).

Pour les hospitalisations d’office, le JLD doit statuer sous quinzaine.

Pour les placements consécutifs à une décision judiciaire, il doit statuer dans les six mois.

De même, toute mesure d’internement doit faire l’objet d’un contrôle par le JLD tous les six mois !

Le JLD statue après débat contradictoire, et l’absence de décision dans le bref délai imparti entraine de plein droit la mainlevée de toute mesure de placement ou d’internement !

La loi définit le rôle accru dévolu aux avocats dans l’assistance et la représentation des personnes soignées dont les modes de soins doivent être contrôlés.

Reste que le décret qui doit régler les modalités pratiques de cette loi n’est toujours pas paru, malgré la proximité de la date d’entrée en vigueur.

Faut que tu paies, pas possible que tu en réchappes !

L’accès libre au service public de la justice est un principe fondamental reconnu par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Cour européenne des droits de l’Homme, la Cour de justice de l’JUE, notre Conseil constitutionnel français, etc.

Toutefois, face aux contraintes budgétaires actuelles, ce principe fondamental a tendance à être sérieusement battu en brèche.

Ainsi, l’article 20 du projet de loi de finances rectificative 2011 propose d’instituer, pour financer la réforme de la garde à vue, une contribution d’un montant de 35 euros qui sera exigée pour toute procédure en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale, tant devant les juridictions de l’ordre judiciaire qu’administrative, son acquittement constituant une condition de recevabilité du recours initié.

Ce ne serait pas dramatique (quoique) si cette contribution ne venait pas s’ajouter :

– au droit de plaidoirie de 8,84 euros, lequel est depuis janvier 2011 à la charge de tous les justiciables, même ceux bénéficiant de l’aide juridictionnelle,

– à la taxe de 150 euros instaurée en janvier 2010 en matière de procédures devant la Cour d’Appel afin de financer le fonds d’indemnisation des avoués.

Quand la multiplication de ces taxes va-telle s’arrêter ?

Il serait temps que les pouvoirs publics prennent la mesure de la véritable et profonde réforme à initier en la matière plutôt que d’essayer de faire adopter des mesures ponctuelles injustes et inadaptées qui remettent en cause des principes fondamentaux tels que la gratuité et l’égal accès au juge pour tous les justiciables.