Catégorie dans Actualités Strasbourg et Colmar

Après l’heure c’est plus l’heure

Par un avis du 25 juin 2012 la Cour de Cassation indique qu’en appel, à défaut d’avoir communiqué ses pièces en même temps que ses conclusions dans le strict respect des délais prévus aux articles 908 et 909 du code de procédure civile, il n’est pas possible de produire ses pièces hors délais, quand bien même ces pièces étaient annoncées dans les délais dans le cadre de conclusions d’appel.

Vente (immobilière) : notion de vice apparent

Selon l’article 1642, « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ». Ainsi, si l’acquéreur d’un bien (mobilier ou immobilier) a eu connaissance du vice reproché, la garantie des vices cachés ne s’applique pas.

Question : qu’est-ce qu’un « vice apparent dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même » ?

Par le passé la Cour de cassation a considéré qu’un acheteur a pu se convaincre lui-même de l’existence de vices s’il a constaté l’existence des vices « dans leurs causes et leur amplitude » (1) , s’il en a mesuré « l’étendue et la gravité » (2).

Par un arrêt du 14 mars 2012 la Cour de cassation reprend ces notions en jugeant qu’un vice doit être considéré comme apparent si l’acquéreur en a eu connaissance « dans son ampleur et ses conséquences » (3).

En l’espèce, lors des visites préalables à l’achat d’un bien immobilier, un acquéreur avait constaté l’existence d’un dégât des eaux dans la salle de bain. L’acquereur pensait ces dégâts bénins et facilement réparables. Toutefois, après être devenu propriétaire du bien, l’acquéreur a découvert que les infiltrations dans la salle de bains avaient pour origine des désordres de toiture, dont la réparation nécessitait des travaux importants.

La cour d’appel avait débouté l’acquéreur de ses demandes d’indemnisation au motif que le vice n’était pas caché mais bien apparent et qu’il en avait parfaite connaissance au moment de la vente. La Cour de cassation a cassé cette décision au motif que les juges du fond n’ont pas caractérisé la connaissance par l’acquéreur du vice dans son ampleur et ses conséquences.

Pour retenir l’existence d’un vice apparent, il aurait donc fallu que l’acquéreur ait eu communication d’un rapport d’expertise et/ou de procès-verbaux d’assemblée générale des copropriétaires (lesquels, en l’espèce, mentionnaient justement la nécessité de solliciter des devis de réfection de la toiture).

Payer pour indemniser une profession disparue depuis 100 ans ? Rien d’anormal selon le Conseil Constitutionnel

Par arrêt du 13 avril le Conseil constitutionnel a jugé que l’institution des contributions de 35 euros et de 150 euros, destinées respectivement à financer l’intervention de l’avocat en garde à vue et la suppression des avoués, était conforme à la Constitution.

Le Conseil Constitutionnel estime qu’une taxe de 150 euros pour simplement avoir le droit de faire appel n’est pas excessif au vu des facultés contributives du justiciable français.

Surtout, exiger des justiciables alsaciens et mosellans de payer pour indemniser une profession qui n’existe plus sur son sol depuis près de 100 ans ne saurait constituer une rupture d’égalité devant l’impôt et les charges publiques.

Nul n’est infaillible…

Vous pouvez consulter la décision à l’adresse suivante :

http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/l…

Le Barreau, refuge des parlementaires retraités ou renvoyés par leurs électeurs

Au JO de ce matin est paru un décret modifiant les voies d’accès dérogatoire à la profession d’avocat (voir document joint).

Le Barreau était déjà le refuge de trop nombreux professionnels aux connaissances juridiques et déontologiques discutables ; eh bien, avec ce décret c’est encore pire !

Deux mesures essentielles ont été prises :

1/ ouverture de l’accès dérogatoire à la profession d’avocat aux assistants parlementaires (nouvelle rédaction de l’article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991),

2/ les députés et sénateurs sont dispensés de tout examen en déontologie et règlementation professionnelle ; ils devront simplement justifier avoir suivi une formation de 20 heures en déontologie et règlementation professionnelle, sans examen (nouvel article 93).

Trois observations :

1. En quoi le fait d’avoir participé à l’élaboration des lois (et encore, ce n’est pas le cas de tous les assistants parlementaires) fait de vous un avocat, d’autant qu’aucune exigence de diplôme (ne serait-ce qu’une licence en droit) n’est stipulée ?

2. Pourquoi nos députés et sénateurs sont-ils dispensés de l’examen de déontologie ? seraient-ils trop vertueux ? ou au contraire cet examen serait-il un obstacle infranchissable pour nombre de parlementaires ?

3. La concomitance de ce texte avec des échéances électorales proches, notamment législatives, donne la réponse aux 2 premières interrogations : il faut recaser coûte que coûte les parlementaires (et assistants parlementaires) renvoyés par leurs électeurs !

Payer pour indemniser une profession disparue depuis 100 ans ?

Le décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 relatif au droit affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoué près les cours d’appel a institué une nouvelle taxe de 150 euros due par les parties à l’instance d’appel lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la cour d’appel.

Ce décret a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité que le Conseil d’Etat a accepté par décision du 3 février 2012 de transmettre au Conseil Constitutionnel.

L’Ordre des Avocats du Barreau de Strasbourg a décidé d’intervenir volontairement dans ce dossier car cette nouvelle taxe est particulièrement inique pour l’Alsace (et la Moselle).

En effet, il faut savoir que depuis 1918 au plus tard, la profession d’avoué (notamment à la Cour) a disparu d’Alsace.

Si le décret du 28 septembre 2011 devait entrer en vigueur en l’état, le justiciable alsacien se verrait ainsi contraint de régler un timbre de 150 euros afin d’indemniser une profession qui n’existe plus sur son territoire depuis presque 100 ans !

Le Conseil Constitutionnel doit rendre sa décision le 13 avril 2012.

L’assurance protection juridique

Chronique janvier 2012

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, en février 2007 une loi portant réforme de la protection juridique a été adoptée. Vous avez souhaité y revenir. Toutefois, avant d’aborder les questions de fond, pouvez-vous rapidement rappeler à nos auditeurs le principe de l’assurance protection juridique ?

Me BUFFLER : l’assurance protection juridique est une assurance par laquelle un particulier, un artisan, un commerçant ou toute entreprise, bénéficie de l’assistance d’un juriste pour tout litige, que ce soit face à un particulier ou un professionnel. Cette assistance peut se limiter à de simples renseignements d’ordre juridique par téléphone mais va bien souvent bien au-delà, l’assurance adressant des lettres de mise en demeure, voire et surtout prenant en charge les frais de justice de l’assuré.

Les particuliers sont bien souvent bénéficiaires d’une telle assurance sans même le savoir, l’assurance protection juridique étant souvent incluse dans les contrats multirisques habitation dès le niveau de couverture intermédiaire.

Vos auditeurs ont ainsi tout intérêt à vérifier leurs contrats d’assurance, et s’ils ne devaient pas bénéficier d’une telle assurance ils ont tout intérêt à en souscrire une ; bien souvent elle coûte moins de 100 euros par an.

Mme VIAL : en quoi l’avocat est-il concerné par cette assurance ?

Me BUFFLER : eh bien, l’avocat n’étant jamais gratuit, si le justiciable n’est pas éligible à l’aide juridictionnelle totale (la CMU du droit), les honoraires de son conseil, ainsi que les éventuels frais d’expertise, sont pour sa pomme, intégralement, en espérant que s’il gagne son procès la partie adverse sera condamnée à lui rembourser ses frais de procédure.

Ainsi, en cas de procès, au minimum le justiciable se trouve devoir faire l’avance de certains frais qui peuvent être élevés. C’est là qu’intervient l’assurance protection juridique.

Mme VIAL : alors, quels frais couvre exactement cette assurance ?

Me BUFFLER : en pratique tout dépend des contrats d’assurance. Certaines compagnies d’assurance sont plus généreuses que d’autres.

Par exemple, beaucoup plafonne le montant de prise en charge des honoraires d’avocat en fixant un barème par type de procédure, si bien que trop souvent l’assuré en est de sa poche. Ce n’est toutefois pas le cas de toutes les assurances.

De même, beaucoup d’assurances ne prennent pas en charge les litiges relatifs au droit de la famille (divorce, demande de pension alimentaire, fixation de la résidence des enfants, etc). Il y en a toutefois une minorité qui prend en charge les honoraires d’avocat en cas de divorce sur consentement mutuel.

En fait, pour bien faire son choix il faudrait lire attentivement chaque contrat, les comparer et être notamment attentif aux exclusions de garantie. Par exemple, le contrat protection juridique d’une assurance que je ne citerai pas par charité ne compte pas moins de 24 exclusions de garantie ; c’est à se demander ce qui est au final pris en charge.

Toutefois ce travail d’analyse et de comparaison est long et fastidieux si bien que peu de personnes le font, d’autant que cette couverture est souvent incluse dans des contrats d’assurance plus larges (multirisque habitation notamment).

Mme VIAL : qu’en est-il du choix de l’avocat ? Une assurance protection juridique peut-elle imposer à l’assuré son avocat ?

Me BUFFLER : en aucun cas ! L’assuré a toujours le libre choix de son avocat. Depuis 2007 le Code des Assurances fait même interdiction à l’assureur ne serait-ce que de proposer le nom d’un avocat, sauf si l’assuré en fait la demande par écrit, ce que beaucoup d’assurances oublient.

De même, l’assurance ne peut imposer le montant de l’honoraire de l’avocat. « Les honoraires de l’avocat sont déterminés entre ce dernier et son client, sans pouvoir faire l’objet d’un accord avec l’assureur de protection juridique. » (article L. 127-5-1 du Code des Assurances).

Pour contourner cette dernière difficulté, beaucoup d’assurances (mais pas toutes) plafonnent le montant de leur prise en charge.

Toutefois, rien n’est perdu. Si l’assuré gagne son procès, bien souvent la partie adverse est condamnée à rembourser les frais et honoraires exposés. La somme allouée revient alors par priorité à l’assuré pour régler les dépenses non prises en charge par son assurance. Et ce n’est que s’il reste un reliquat que l’assureur pourra se rembourser des frais qu’il a lui-même exposés (article L. 127-8 du Code des Assurances).

Ainsi un justiciable bien assuré a toute les chances de rentrer dans ses frais.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage.

Quand le fait-divers tient lieu de politique pénale

Depuis 2002 N. SARKOZY a fait adopter plus de 27 décrets ou lois pénales (dont 8 en matière de justice des mineurs depuis 2007 et 4 rien que pour l’année 2011 !). A chaque fait-divers, sa loi.

Et là, avec les drames de Toulouse et Montauban, paf, çà n’a pas loupé, un nouveau projet de loi ! Après la mort de Mohamed MERAH il n’aura fallu que 13 min à N. SARKOZY pour annoncer son lot de nouvelles mesures, notamment la création d’un nouveau délit de consultation de sites internet incitant au terrorisme.

Des mots, rien que des mots, les effectifs des gendarmes et policiers ne cessant parallèlement de baisser.

Contribution de 35 euros : le flop !

A la lecture du flash actualités du 28 mars du Conseil National des Barreaux (CNB), il apparait que la contribution de 35 euros, unanimement décriée par les avocats, est un vrai flop :

– l’Etat n’a recouvré que 8 millions d’euros en trois mois et demi (du 1er octobre 2011 au 19 janvier 2012) alors qu’il tablait sur 2 à 3 fois plus (80 millions d’euros par an).

– surtout, contrairement à l’annonce faite lors des travaux préparatoires, la contribution de 35 euros n’a pas vocation à financer la garde à vue. Le nouveau produit généré vient en réalité se substituer à la dotation étatique et s’impute sur l’enveloppe budgétaire globale destinée au règlement des missions d’aide juridictionnelle aux avocats, hors dotation de l’Etat pour les missions effectuées en garde à vue. En gros, pas un centime plus, mais des millions en moins compensés par cette nouvelle contribution.

Le Conseil Consitutionnel déclare non conforme la liste spéciale d’avocats en matière de terrorisme

L’article 16 de la loi n°2011-392 du 14 avril 2011 a institué dans notre code de procédure pénale un nouvel article 706-88-2, lequel disposait jusqu’à aujourd’hui:

« Si la personne est gardée à vue pour une infraction mentionnée au 11° de l’article 706-73 [soit en matière de terrorisme], le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République à la demande de l’officier de police judiciaire, ou le juge d’instruction lorsque la garde à vue intervient au cours d’une instruction, peut décider que la personne sera assistée par un avocat désigné par le bâtonnier sur une liste d’avocats habilités, établie par le bureau du Conseil national des barreaux sur propositions des conseils de l’ordre de chaque barreau. »

Ainsi, en matière de terrorisme, la personne gardée à vue pouvait se voir désigner son avocat.

Par décision de ce jour, le Conseil Constitutionnel a déclaré non conforme cette nouvelle disposition du code de procédure pénale.

Dans un premier temps du raisonnement, le Conseil constitutionnel a jugé que « la liberté, pour la personne soupçonnée, de choisir son avocat peut, à titre exceptionnel, être différée pendant la durée de sa garde à vue afin de ne pas compromettre la recherche des auteurs de crimes et délits en matière de terrorisme ou de garantir la sécurité des personnes » (cons. 7). Une telle atteinte, dont le Conseil souligne qu’elle ne peut intervenir qu’à titre « exceptionnel », n’est donc pas, par elle-même, contraire à la Constitution. Le Conseil précise toutefois qu’il « incombe au législateur de définir les conditions et les modalités selon lesquelles une telle atteinte aux conditions d’exercice des droits de la défense peut-être mise en oeuvre » (cons. 7).

C’est sur ce point que le Conseil constitutionnel constate un cas d’incompétence négative, en relevant que « les dispositions contestées se bornent à prévoir, pour une catégorie d’infractions, que le juge peut décider que la personne gardée à vue sera assistée par un avocat désigné par le bâtonnier de l’ordre des avocats sur une liste d’avocats habilités établie par le bureau du Conseil national des barreaux sur proposition des conseils de l’ordre de chaque barreau ». Le Conseil relève une double insuffisance de la loi en ce que ces dispositions « n’obligent pas à motiver la décision ni ne définissent les circonstances particulières de l’enquête ou de l’instruction et les raisons permettant d’imposer une telle restriction aux droits de la défense » (cons. 7).

Au regard de ces éléments, le Conseil constitutionnel a estimé « qu’en adoptant les dispositions contestées sans encadrer le pouvoir donné au juge de priver la personne gardée à vue du libre choix de son avocat, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions qui portent atteinte aux droits de la défense » (cons. 7).

Commentaire de la décision n° 2011-223 QPC du 17 février 2012, page 10

Les nouvelles taxes de 150 euros et 35 euros transmises au Conseil Constitutionnel pour avis

Le décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 relatif au droit affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoué près les cours d’appel et à la contribution pour l’aide juridique a institué 2 nouvelles taxes :

– un droit de 150 euros dû par les parties à l’instance d’appel lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la cour d’appel,

– une contribution pour l’aide juridique de 35 euros par instance introduite devant les juridictions judiciaires ou administratives,

les 2 se cumulant en appel (sauf exception), soit un surcoût 185 euros pour le justiciable en appel.

Ce décret a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité que le Conseil d’Etat a accepté par décision du 3 février (ci-dessous) de transmettre au Conseil Constitutionnel. Ces nouvelles taxes sont en effet « susceptibles de porter atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au droit d’exercer un recours juridictionnel effectif garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. »