Garde à vue en matière de terrorisme : la déclaration de guerre du gouvernement aux avocats

En dépit des très vives protestations exprimées par le Barreau par la voix notamment de ses instances représentatives, le gouvernement est resté inflexible : le décret n°2011-1520 du 14 novembre relatif à la désignation des avocats pour intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme est paru au J.O. du 15 novembre.

N’ayons pas peur des mots : ce texte est une honte et une véritable déclaration de guerre faite aux avocats, notamment dans le contexte plus général de la place de l’avocat en garde à vue. On croyait avoir tout vu en matière de suspicion à l’égard de notre profession avec le décret anti-blanchiment du 26 juin 2006, d’ailleurs partiellement annulé par le Conseil d’Etat… Pourtant une telle défiance à l’égard des avocats, matérialisée dans un texte réglementaire, est sans précédent.

Rappelons que ce texte – d’ores et déjà mort-né et qui prendra rapidement place au Panthéon des « décrets scélérats » – a été adopté sur le fondement de l’article 706-88-2 du CPP issu de la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, qui prévoit que le JLD ou le juge d’instruction peuvent, si une personne est gardée à vue pour des faits de terrorisme, décider que cette personne sera assistée par « un avocat désigné par le bâtonnier sur une liste d’avocats habilités établie par le bureau du Conseil national des barreaux sur propositions des conseils de l’Ordre de chaque barreau ».

Le décret du 14 novembre précise les modalités d’établissement de la liste des avocats pouvant être désignés pour intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme. Ne pourront figurer sur la liste que les avocats inscrits au tableau depuis plus de cinq ans, ce qui en soi est une mesure de défiance et une discrimination à l’égard des Jeunes Avocats.

Chaque conseil de l’Ordre est supposé transmettre au CNB les noms des avocats proposés au moins deux mois avant la fin de l’année civile. Le nombre des avocats proposés par chaque barreau ne peut ni excéder 10 % du nombre des avocats inscrits au tableau ni être inférieur à trois. Un conseil de l’Ordre pourra demander au ministre de la justice une dérogation, pour obtenir un seuil maximal supérieur, fondée sur les « spécificités du contentieux pénal local ».

A partir des éléments qui lui seront parvenus, il appartiendrait au bureau du Conseil national des barreaux d’arrêter la liste nationale des avocats habilités pour une durée de trois ans et de la communiquer avant le début de l’année civile à l’ensemble des bâtonniers et des chefs de juridiction.

L’article 2 du décret du 14 novembre 2011 prévoit, au titre de la période transitoire, que la première habilitation des avocats inscrits sur la liste prend effet du 1er avril 2012 au 31 décembre 2014. Chaque conseil de l’Ordre est supposé transmettre au Conseil national les noms des avocats proposés avant le 31 janvier 2012. Il appartiendrait ensuite au Conseil national de diffuser la liste nationale avant le 31 mars 2012.

La FNUJA appelle la profession, le CNB et l’ensemble des Conseils de l’Ordre à la résistance face à de telles dispositions qui contreviennent au principe du libre choix de l’avocat et posent en germe un exercice discriminatoire de la profession d’avocat.

Les Jeunes Avocats mèneront tous recours contre la totalité des dispositions critiquées.

COMMUNIQUE DE LA FNUJA 17 Novembre 2011

Le viol conjugal

Chronique octobre 2011

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, en juin dernier le Collectif féministe contre le viol a lancé une vaste campagne de sensibilisation contre le viol conjugal. Qu’entend-on par  » viol conjugal  » ?

Me BUFFLER : en fait, le viol conjugal n’est pas défini en tant que tel par la loi. Le code pénal définit précisément le viol, qui correspond à « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise », et fait du viol au sein du couple une circonstance aggravante.

Ainsi le viol « simple » est puni de 15 ans de réclusion criminelle, alors qu’il est puni de 20 ans lorsqu’il est commis par le conjoint, le concubin ou le PACSé de la victime.

Vous noterez à toute fin que la circonstance aggravante liée au caractère conjugal du viol ne se limite pas aux couples mariés mais s’étend à tous les couples ayant une certaine stabilité, mariés, PACSés ou non.

Mme VIAL : le devoir conjugal n’est dès lors qu’un mythe ?

Me BUFFLER : dans le cadre du mariage, le code civil met à la charge des époux diverses obligations personnelles, plus connues sous le terme de devoirs conjugaux. Parmi ces devoirs conjugaux figure le devoir de cohabitation lequel « a pour raison d’être l’établissement de relations sexuelles normales permettant la procréation ».

Cela dit, il ne faut pas se méprendre : si l’obligation mise à la charge des époux de partager un même toit a pour finalité l’existence de relations charnelles, cela ne signifie pas qu’un conjoint est en droit de s’affranchir du consentement de l’autre époux.

Être marié ne veut pas dire disposer librement du corps de l’autre, ne pas tenir compte de son désir ou de son refus. Le consentement s’impose toujours.

Mme VIAL : que peut dès lors faire le conjoint qui se trouve face à un partenaire qui se dérobe à lui ?

Me BUFFLER : si le couple n’est pas marié, il ne reste plus au partenaire mécontent qu’à partir et trouver son bonheur ailleurs. Pour ce qui est d’un couple marié, 2 solutions : l’annulation du mariage ou le divorce.

Si le conjoint n’a jamais esquissé le moindre projet matrimonial avec son partenaire, ce dernier peut solliciter la nullité du mariage au titre d’une erreur sur une qualité essentielle de la personne du conjoint.

Il peut surtout introduire une procédure de divorce.

Dans tous les cas, se posera toutefois la question de la preuve des manquements reprochés.

Mme VIAL : pour en revenir au consentement, comment en juger ? Les femmes qui vont porter plainte pour viol contre leur époux obtiennent-elles gain de cause ?

Me BUFFLER : c’est bien tout le problème : la charge de la preuve pèse sur la victime puisque en matière de rapports conjugaux, le consentement des époux aux actes sexuels est présumé. C’est ainsi à la victime d’apporter la preuve d’une contrainte.

Statistiquement, peu de viols semblent faire l’objet de plaintes, et même quand il y a plainte, 20% sont apparemment classées sans suite (c’est-à-dire qu’elles finissent à la poubelle), 35% étant requalifiées en agressions sexuelles (c’est-à-dire qu’elles passent de la Cour d’Assises au tribunal correctionnel).

Cela dit, cette présomption se justifie aisément : qu’est-ce que « consentir » lorsque l’on n’aime plus, que l’on se dispute quotidiennement ? tout rapport sexuel imposé ou obtenu avec insistance par un époux auprès d’une épouse qui n’éprouve plus le désir doit-il être considéré comme un viol ?

On en revient à la même problématique qu’en matière de violences psychologiques au sein du couple : comment distinguer la violence des hauts et des bas qui émaillent souvent la vie d’un couple ? Seul un certificat médical détaillé permettra le plus souvent de trancher.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

La délinquance des jeunes

Chronique octobre 2011

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, mi septembre N. SARKOZY a annoncé l’adoption de nouvelles mesures afin de lutter contre la délinquance des mineurs. Un projet de loi doit notamment être déposé au Parlement afin d’encadrer militairement les jeunes délinquants récidivistes. Quel est votre sentiment quant à cette nouvelle loi ?

Me BUFFLER : mon sentiment est que le gouvernement brasse beaucoup d’air en ce qui concerne la lutte contre la délinquance, et notamment la délinquance des jeunes.

En matière de justice des mineurs, nous en sommes à la 8e, voire 9e, réforme depuis 2002. Les codes de procédure pénal et pénal que l’on peut acheter dans le commerce se trouvent périmés avant même d’avoir été mis en rayons. C’est de la pure folie.

Plutôt que de multiplier les textes de loi, notre gouvernement ferait mieux de mettre fin aux suppressions de postes au sein de nos commissariats de police. Notre justice a besoin de plus d’hommes et de moyens, pas de textes de loi.

Mme VIAL : qu’en est-il plus précisément de l’encadrement militaire des jeunes délinquants ? cela vous semble-t-il une alternative intéressante à l’emprisonnement ?

Me BUFFLER : en fait, cette mesure n’a rien de très novateur. Dès 1986, à l’initiative du Garde des Sceaux et du ministre de la Défense de l’époque, a été créée l’association « Jeunes en équipe de travail » (JET). Cette association avait pour mission d’organiser des stages de rupture de 4 mois à l’intention des jeunes délinquants. L’encadrement était assuré par des militaires volontaires.

Le moins que l’on puisse dire est que les résultats n’ont pas été brillants : un rapport d’information de 2003 notait notamment qu’un tiers des détenus majeurs ne terminaient pas leur stage, en raison soit de leur expulsion pour non-respect de la discipline, soit de leur évasion, soit d’une mesure de libération anticipée.

Par ailleurs, parmi les mineurs ayant bénéficié des JET, il apparaissait que 40 % seulement menaient à bien leur projet et ne retombaient pas dans la délinquance, soit un taux d’échec de 60%.

Au final, c’est M. Alliot-Marie qui a mis fin à l’expérience en 2004. Il est pour le moins cocasse que le gouvernement ressorte de la naphtaline une mesure qui avait été abandonnée 7 ans plus tôt faute de résultats convaincants.

Mme VIAL : mi septembre C. GUEANT annonçait par ailleurs des mesures spécifiques à l’encontre de la délinquance impliquant des mineurs roumains. Le ministre de l’Intérieur a notamment indiqué souhaiter qu’ils soient rapatriés dans leur pays. Qu’en pensez-vous ?

Me BUFFLER : une fois de plus ce n’est que du vent. 2 cas sont possibles:

1. soit les parents du mineur interpelé sont en France. Dans ce cas, dit M. Guéant, « [les mineurs] leur seront remis avant d’être rapatriés ». Or, si les parents de l’enfant n’ont rien à se reprocher, sur quel fondement vont-ils pouvoir être rapatriés avec leur enfant ? Aucun. Et comme un mineur ne peut être éloigné sans ses parents, ce qui est logique, cet enfant restera donc sur le territoire français avec ses parents !

2. soit les autorités sont dans l’incapacité de localiser les parents du mineur interpellé. Dans ce cas un rapatriement est possible sous réserve d’un accord international en ce sens. Or l’accord franco-roumain a été censuré par le Conseil Constitutionnel en 2010.

Ainsi, au final, absolument rien ne permet de rapatrier un enfant roumain, sauf si on a l’adresse de ses parents en Roumaine, ce qui est l’exception.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

Fusion de la profession de juriste d’entreprise et d’avocat, le retour

Le 19 septembre 2011 notre Garde des Sceaux (Michel Mercier pour ceux qui l’aurait oublié) a déclaré au magazine « Culture Droit » : « j’ai évoqué avec des acteurs du monde économique, des avocats et des juristes d’entreprise – à l’occasion d’une table ronde en juin dernier – l’intérêt de créer un nouveau statut d’avocat en entreprises. J’ai été très satisfait de voir qu’un quasi consensus s’était dégagé sur ce sujet. A l’automne, un avant projet de loi sera d’ailleurs soumis à une large consultation ». (http://www.presse.justice.gouv.fr/lu-vu-entendu-11603/interview-de-miche…)

Sachant que la grande majorité des avocats de province, et une forte minorité des avocats parisiens, sont contre la création d’un tel statut d’avocat en entreprise, on peut légitimement se demander quels avocats ont été consultés et quelle est leur représentativité au sein de la profession.

D’autant que le rapport de la mission présidée par M. Michel Prada et intitulé « Certains facteurs de renforcement de la compétitivité juridique de la place de Paris » qui a apparemment nourri la réflexion de notre ministre ne propose rien de très nouveau :

– création d’un « sous-avocat » inscrit au barreau sur une liste annexe et déchargé du respect du secret professionnel d’ordre public lequel resterait réservé aux seuls « vrais » avocats,

– dans ses rapports avec son entreprise et avec ses homologues, cet avocat au rabais bénéficierait d’un « privilège de confidentialité », la mission PRADA reconnaissant toutefois que ce privilège reste à définir,

– non soumis aux règles déontolgiques « classiques » de la profession, ce demi-avocat pourrait plaider devant les tribunaux sauf quand la représentation par avocat (un « vrai » faut-il comprendre ?) est obligatoire,

– « salarié de l’entreprise, l’avocat en entreprise en serait un collaborateur sans autre spécificité que son appartenance au barreau, gage de son intégrité et de son indépendance dans la défense du droit et le respect de la conformité » (on croit rêver !).

Bref, toujours et encore les mêmes propositions pourtant repoussées à maintes reprises par une grande majorité de la profession et toujours le même lobbying des juristes d’entreprises qui voudraient bien profiter des avantages de la profession d’avocat (notamment la confidentialité de la correspondance) sans en subir les désagréments (notamment les permanences).

Les troubles du voisinage

Chronique octobre 2011

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, en juin dernier le Bundesrat allemand s’est senti obligé d’adopter une loi afin d’interdire aux riverains d’un jardin d’enfants ou d’une école de se plaindre du bruit provoqué par les jeux d’enfants. Comment a-t-on pu en arriver là ?

Me BUFFLER : en premier lieu, il faut reconnaître que des cris d’enfants peuvent être au mois aussi incommandants, voire plus, que des passages d’avions ou des bruits de marteaux-piqueurs.

Pour ce qui est de la loi elle-même, celle-ci provient du fait que plusieurs riverains de terrains de jeux ont saisi la justice en Allemagne et ont obtenu, soit la fermeture des aires de jeu dénoncées, soit la construction de murs de plusieurs mètres de haut.

Face à ces procès en cascade, et afin de rendre plus difficile le dépôt de plaintes contre le bruit des enfants, le texte de loi allemand stipule que les bruits venant de crèches, de bacs à sable ou de terrains de jeu ne doivent pas être considérés comme des dommages environnementaux comme peuvent l’être les bruits occasionnés par des installations industrielles.

Mme VIAL : est-ce que de tels procès pourraient aboutir en France ?

Me BUFFLER : dans l’absolu, oui. En droit français, les nuisances sonores causés aux riverains tombent sous le coup de la jurisprudence relative aux troubles anormaux du voisinage.

C’est en effet les tribunaux, et non le code civil, qui ont échafaudé une théorie relative aux troubles du voisinage.

Les tribunaux ont ainsi jugé que si le droit de propriété génère des droits, il impose également des devoirs, notamment celui de ne pas causer des troubles à autrui qui dépasseraient la mesure des obligations ordinaires du voisinage.

Ainsi, si vous disposez d’un arbre, installé à distance règlementaire par rapport à la propriété de votre voisin, ce dernier ne pourra pas se plaindre du fait que vos feuilles tombent dans sa piscine, cela fait partie des troubles normaux du voisinage.

Par contre, si votre chien aboie nuit et jour sans interruption, votre voisin pourra solliciter que vous soyez condamné sous astreinte de x euros par jour de retard à mettre fin à son calvaire, à charge pour vous d’éduquer votre chien ou de vous en séparer.

Mme VIAL : cela rejoint-il les procès dont la presse se fait souvent l’écho concernant le chant du coq ou le clocher du village ?

Me BUFFLER : exactement. Avec l’urbanisation croissante des campagnes, il n’est pas rare qu’un urbain fraichement installé à la campagne se plaigne du chant du coq à 5h du matin ou de l’Angelus à 6h. Excédé, il n’hésite pas à saisir le tribunal le plus proche, qui lui même n’hésite que très rarement à le débouter de son action, estimant que ces désagréments matutinaux sont des inconvénients incontournables de la vie à la campagne.

Ces cas ne doivent bien évidemment pas être confondus avec celui de l’urbain qui, en mal de campagne, en vient à établir un coq en ville. La présence d’un coq à la ville n’étant pas habituelle, le riverain mécontent à toute les chances d’obtenir que vous lui coupiez le cou, à tout le moins le sifflet.

Mme VIAL : et donc, pour ce qui est d’un jardin d’enfants, celui pourrait-il être contraint de fermer au titre du bruit qu’il occasionne ?

Me BUFFLER : dans la mesure où un jardin d’enfants est généralement créé dans l’intérêt de tous, les nuisances sonores qu’il génère si elles peuvent être aiguës étant finalement limitées à des heures bien précises toujours en journée et hors weekends, cela me paraît assez peu probable.

Cela dit, pour ce qui est des aires de jeu occupées jusqu’au petit matin par des adolescents imbibés et criards, une demande de fermeture a toutes les chances d’aboutir.

Toutefois, s’agissant d’espaces publics, ce sont les règles propres au droit administratif qui s’applique et non celles du droit privé.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

Contribution de 35 euros : suite et fin ?

Ça y est, le décret d’application de l’article 54 de la loi de finance rectificative pour 2011 du 29 juillet 2011 est paru ce jour au journal officiel! (consultable à l’adresse : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT0000246022…).

L’article 2 de ce décret dispose :

« la personne, redevable de la contribution pour l’aide juridique, justifie de son acquittement, lors de la saisine du juge, par l’apposition de timbres mobiles ou la remise d’un justificatif lorsque la contribution a été acquittée par voie électronique, sauf si elle a sollicité le bénéfice de l’aide juridictionnelle. Dans ce cas, elle joint la décision accordant cette aide à l’acte de saisine. A défaut de décision rendue sur la demande d’aide juridictionnelle, la saisine est accompagnée de la copie de cette demande.

Si cette demande d’aide juridictionnelle est déclarée caduque ou rejetée, ou que la décision l’octroyant est retirée, le demandeur justifie de l’acquittement de la contribution pour l’aide juridique dans le mois suivant, selon le cas, la notification de la caducité ou la date à laquelle le rejet ou le retrait est devenu définitif. »

Surtout, l’article 19 fait apparaître une nouvelle rédaction de l’article 326 quinquiès du Code Général des Impôts : « Lorsque, pour une cause qui lui est étrangère, un auxiliaire de justice ne peut effectuer par voie électronique l’acquittement de la contribution pour l’aide juridique prévu à l’article 1635 bis Q du Code Général des Impôts, il est justifié de l’acquittement de la contribution par l’apposition de timbre mobile ».

Ainsi, tant que le paiement dématérialisé de cette contribution ne sera pas effectif, les avocats sont invités à régler les 35 euros par timbre mobile (lequel semble devoir correspondre à un timbre fiscal).

La Chancellerie aurait indiqué à la Conférence des Bâtonniers que celle-ci a veillé à approvisionner les buralistes proches des tribunaux en timbres fiscaux de 30 euros et 5 euros (en attendant la création d’un timbre de 35 euros, ô joie).

Contribution de 35 euros, suite…

Les dispositions légales prévoyant le paiement de la contrbution de 35 euros par voie électronique ne seront certainement applicables qu’à compter du 1er janvier 2012, la plateforme technique nécessaire au paiement dématérialisé de cette taxe étant encore dans les limbes à ce jour.

Il semblerait dès lors qu’il faille effectuer le paiement des 35 euros par voie de timbre mobile du 1er octobre au 31 décembre 2011.

Problème : pour imposer cette modalité de paiement aux auxiliaires de justice il faudrait qu’intervienne préalablement une modification législative de l’article 1635 bis Q du code général des impôts, un simple décret d’application pris en urgence risquant la censure du Conseil d’Etat.

Rien n’est encore fait …

Contribution de 35 euros

La loi de finances rectificative n° 2011-900 du 29 juillet 2011 a instauré une contribution pour l’aide juridique de 35 euros. Cette contribution a vocation a être perçue pour chaque instance introduite devant une juridiction judiciaire (en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale) ou administrative.

L’article 1635 bis Q du Code Général des Impôts précise les cas pour lesquelles cette contribution n’est pas due :

1° Par les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ;

2° Par l’Etat ;

3° Pour les procédures introduites devant la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, devant le juge des enfants, le juge des libertés et de la détention et le juge des tutelles;

4° Pour les procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers et les procédures de redressement et de liquidation judiciaires;

5° Pour les recours introduits devant une juridiction administrative à l’encontre de toute décision individuelle relative à l’entrée, au séjour et à l’éloignement d’un étranger sur le territoire français ainsi qu’au droit d’asile ;

6° Pour la procédure mentionnée à l’article L. 521-2 du code de justice administrative ;

7° Pour la procédure mentionnée à l’article 515-9 du code civil ;

8° Pour la procédure mentionnée à l’article L. 34 du code électoral.

Cette contribution devra être versée à compter du 1er octobre sous peine d’irrecevabilité de la demande.

Gros souci : le décret d’application en projet prévoit que cette contribution ne pourra être réglée que par voie électronique (comment fait le justiciable qui n’est pas connecté ?) et surtout, à ce jour, aucun dispositif n’a été mis en oeuvre par le Ministère de la Justice.

Si les choses restent en l’état, il est évident que la taxe ne pourra être acquittée à compter du 1er octobre.

Les procédures pénales des mineurs ne peuvent être instruites et jugées par le même magistrat

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 mai 2011 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité relative aux articles L. 251-3 et L. 251-4 du code de l’organisation judiciaire (COJ).

Ces deux articles du COJ portent sur la composition du tribunal pour enfants (TPE). D’une part, ils prévoient que ce tribunal est composé d’un juge des enfants, président, et d’assesseurs non professionnels. D’autre part, ils ne sont accompagnés d’aucune disposition faisant obstacle à ce que le juge des enfants qui a instruit l’affaire préside le tribunal.

Par une décision n° 2011-147 du 8 juillet 2011 (voir : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/l…), le Conseil constitutionnel a jugé :

– en premier lieu, que dans la mesure où le TPE est une juridiction pénale spécialisée, aucune règle constitutionnelle ne s’oppose à ce qu’il soit majoritairement composé d’assesseurs non professionnels. Dès lors l’article L. 251-4 du COJ est conforme à la Constitution.

– par contre, en second lieu, que le juge des enfants qui a instruit la procédure et qui a renvoyé le mineur devant le TPE ne peut par la suite présider la juridiction de jugement habilitée à prononcer les peines. Cela constitue une atteinte au principe d’impartialité des juridictions garanti par la Constitution.

Toutefois, une fois de plus, le Conseil constitutionnel a laissé un délai au législateur français (jusqu’au 1er janvier 2013) pour mettre fin à cette inconstitutionnalité.

Une fois de plus, le Conseil constitutionnel reconnaît qu’un droit fondamental du justiciable, de surcroît mineur, se trouve bafoué mais laisse cette violation perdurer plusieurs mois au nom des conséquences excessives qu’impliqueraient l’abrogation immédiate du texte de loi inconstitutionnel.

On a vu les résultats d’une telle jurisprudence en matière de garde à vue : le Conseil constitutionnel avait laissé un an au législateur pour réagir mais la Cour de cassation, forte de la jurisprudence de la CEDH en la matière, ne lui en a pas laissé le temps si bien que le législateur s’est trouvé contraint de légiférer en catastrophe, votant une loi ô combien bâclée.

En l’espèce la même mésaventure risque bien de se reproduire puisque cela fait plus d’un an que la CEDH a déclaré contraire à l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme un tel cumul de fonctions (voir : CEDH, 2 mars 2010, Adamkiewicz c. Pologne, n° 54729/00).

Comme le disait Arsitote : « Errare humanum est, perseverare diabolicum » (l’erreur est humaine mais persévérer est diabolique).

L’Alsace-Moselle dépouillée de son contentieux

Par plusieurs arrêts en date du 10 juin 2011 (en PJ) le Conseil d’Etat a jugé qu’il était d’une bonne justice que les juridictions de l’Est de la France (et notamment celles de Strasbourg, Colmar et Mulhouse) se fassent dépouiller d’une part non négligeable de leur contentieux au seul profit de Nancy.

Ainsi, en matière de contestations de nationalité, de pratiques restrictives de concurrence ou de litiges concernant les obligations de publicité et de mise en concurrence des contrats de droit privé relevant de la commande publique, le Conseil d’Etat a confirmé que tout contentieux qui viendrait à s’élever dans l’Est de la France à ce sujet sera bel et bien de la compétence exclusive des juridictions nancéennes, alors même que Nancy est d’ores et déjà depuis plusieurs années le siège du pôle interrégional contre la criminalité organisée.

Au motif qu’il conviendrait de créer des pôles de compétences (alors que personne n’est dupe, la redéfinition de la carte judiciaire française est pour l’essentiel motivée par des raisons budgétaires), le Conseil d’Etat a consacré le dépeçage des tribunaux de Strasbourg, Colmar et Mulhouse, mais aussi de Besançon, Belfort, Dijon, …

Le Conseil d’Etat estime qu’il n’est pas illégitime que le justiciable ait désormais des centaines de kms à parcourir pour trouver un tribunal qui veuille bien connaître de son litige. Le Conseil d’Etat rappelle même que pour certains contentieux les juridictions parisiennes sont d’ores et déjà les seules compétentes pour la France entière (et pas uniquement en matière de terrorisme), sans s’en émouvoir.