Dés juillet 2010 HEB’DI dénonçait les méfaits des sociétés AHF (Amélioration de l’Habitat Français) et EDH (Environnement de l’Habitat Français) qui ciblaient et démarchaient les personnes âgées, isolées et fragiles des départements du Bas et Haut-Rhin. Le but était de leur vendre des traitements de charpente, ou des travaux sur leurs toitures et combles, parfaitement inutiles et surtout à des prix prohibitifs. Malgré cette mise en garde précoce, les sociétés AHF et EDH ont pu continuer à sévir en Alsace jusqu’en 2012, date à laquelle une procédure pénale a finalement été ouverte à leur encontre suite aux nombreuses plaintes de clients floués.
En octobre 2016, après 4 ans de procédure, s’est finalement tenu à Strasbourg le procès pour escroquerie des dirigeants et associés de ces sociétés L’instruction a recensé plus de 150 victimes dans le Bas-Rhin pour un préjudice de plus de 4 millions d’euros. Étonnamment seuls 30 victimes se sont constituées partie civile contre les 11 prévenus poursuivis devant le tribunal correctionnel.
Le procès a révélé l’ensemble des arnaques utilisées par ces aigrefins afin de tromper leurs futures victimes. C’est un vrai catalogue à la Prévert :
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faire croire aux futurs clients que c’est la mairie ou un organisme officiel qui mandatent les sociétés AHF ou EDH pour effectuer un diagnostic gratuit des charpentes du secteur ;
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lâcher de fausses statistiques pour faire peur telle qu’une habitation sur 3 serait infestée par un insecte xylophage en France ;
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affirmer lors de l’inspection d’une charpente qu’elle est touchée par un insecte lignivore alors que le diagnostiqueur, ancien chauffagiste, pâtissier ou cuisinier (bref totalement incompétent), n’en a à rigoureusement aucune idée ;
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affirmer que les travaux commandés feront l’objet d’un crédit d’impôt ou d’une participation de l’ANAH (Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat) alors que les commerciaux n’en savent rien, voire mentent effrontément ;
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ne jamais informer les futurs clients que c’est un contrat de crédit qui est attaché aux travaux commandés ;
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ne jamais prononcer le mot « crédit » qui fait fuir le client mais parler d’ « autogestion libre des travaux »;
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ne pas parler des mensualités dues à l’organisme de crédit mais de « loyers » ;
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ne jamais faire état du montant du taux d’intérêt des crédits souscrits, qui sont bien évidemment – sauf exception – à la limite de l’usure ;
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saucissonner les crédits auprès de plusieurs organismes de crédit afin que la limite du surendettement ne soit pas atteinte;
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remplir les dossiers de crédit à la place des clients en y indiquant faussement l’absence de charges afin que les dossiers passent sans encombre auprès des organismes de crédit ;
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et si, malgré toutes ces manipulations, le client pense à se rétracter dans le délai imparti (dont il n’a bien bien évidemment jamais été informé), revenir à la charge quelques jours plus tard pour le convaincre de resigner.
Ces arnaques ont été particulièrement lucratives. Les simples commerciaux, à la base de l’arnaque mais que le tribunal n’a pas jugé utile de poursuivre, percevaient jusqu’à 5000 euros par mois. Les gérants des sociétés AHF et EDH pouvaient gagner jusqu’à 15 000 euros chaque mois. Et pour les 4 associés, à l’origine de la pieuvre AHF et EDH (car ils existaient en France plus de 60 sociétés AHF et EDH tenues plus ou moins par les mêmes associés, et certaines persistent aujourd’hui), c’était le jackpot : jusqu’à 1 million de revenus chacun les meilleures années !
Les prévenus se sont défendus de deux manières. Les gérants ont prétendu avoir agi sous la contrainte des associés, et les associés ont prétendu que les escroqueries dénoncées n’étaient pas de leur fait, que c’étaient des pratiques condamnables circonscrites aux seuls gérants alsaciens, alors qu’il est avéré que les sociétés AHF ou EDH en Lorraine ou en Savoie ont usé des mêmes procédés frauduleux.
Le pire ce sont les malheureux clients arnaqués, souvent âgés, isolés, fragiles, qui se trouvent aujourd’hui surendettés. Car les crédits souscrits restent devoir être remboursés. Et comme les sociétés AHF et EDH d’Alsace ont mis la clé sous la porte, il ne demeure pour payer la note finale que les pauvres emprunteurs.
Les organismes de crédit ne sont d’ailleurs pas exempts de tout reproche. Ils ont reçu des dizaines de contrats des sociétés AHF et EDH avec des mentions inexactes (charges à 0 alors que toute personne qui se loge et se nourrit supporte forcément un minimum de charges) sans jamais refuser un seul contrat. Il faut reconnaitre qu’au vu des taux pratiqués, l’appât du gain devait être tel que cela valait bien de fermer les yeux sur des irrégularités qui n’ont pu manquer d’être constatées. Les organismes de crédit rémunéraient d’ailleurs les sociétés AHF et EDH pour chaque crédit souscrit à leur bénéfice.
Brigands il y a, mais il ne se limitent manifestement pas aux seuls 11 prévenus jugés en octobre.
Après 4 jours de procès la procureur de Strasbourg a finalement pris ses réquisitions, qui ont été sévères, à raison. En effet, au moins un des emprunteurs victimes des sociétés AHF et EDH a mis fin à ses jours ne parvenant plus à faire face au remboursement des crédits souscrits (certains emprunteurs se retrouvent aujourd’hui avec des échéances à rembourser chaque mois supérieures à leurs revenus mensuels !). Ce sont ainsi des peines de 1 an avec sursis jusqu’à 3 ans fermes qui ont été demandées, avec de surcroit la confiscation de l’ensemble des biens saisis à ce jour, soit des voitures de luxe (Porsche, Mercedes …) et des maisons à Cannes ou Biarritz. Car arnaquer des pauvres hères rapporte gros et en vrais esthètes nos escrocs ont réinvesti le fruit de leurs larcins dans des biens de qualité.
Le tribunal rendra son jugement mi janvier 2017. Il est à espérer qu’il fera preuve de la même sévérité que Mme le Procureur sachant que des clones des sociétés AHF et EDH persistent à écumer l’Est de la France.
SOW
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