Le fichier national des empreintes génétiques

Le fichier national des empreintes génétiques

Chronique novembre 2011

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, le 29 octobre nous avons appris que le tribunal correctionnel d’Orléans avait relaxé un faucheur volontaire d’OGM qui était poursuivi pour avoir refusé un prélèvement d’ADN destiné au fichier national automatisé des empreintes génétiques.

Qu’est ce que ce « fichier national automatisé des empreintes génétiques » ?

Me BUFFLER : Le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) est le fichier commun à la police et à la gendarmerie qui stocke les traces ADN prélevées sur les délinquants, scènes de crimes et même simples mis en cause.

Il a été crée en 1998 suite à l’affaire Guy George où l’existence d’une banque nationale des empreintes ADN aurait pu à l’époque faciliter l’arrestation du tueur en série.

Son but était de ficher le profil ADN de toutes les personnes impliquées dans des infractions à caractères sexuelles, notamment les pédophiles.

Mme VIAL : pourtant, dans le cadre du procès de ce faucheur volontaire d’OGM d’Orléans on en est loin, non ?

Me BUFFLER : tout à fait, et c’est bien tout le souci de ce fichier. Au départ limités aux crimes sexuels, depuis 1998 il n’a cessé de voir son champ étendu de telle sorte qu’il couvre aujourd’hui près des ¾ des affaires pénales traitées.

Son extension la plus grave a eu lieu dans le cadre de la Loi SARKOZY de 2003 où ce fichier a été non seulement étendu à tous types de délits mais surtout aux simples suspects.

L’extension du fichage est telle que de 2000 personnes fichées en 2002 on est passé à 1 millions 200 000 personnes fin 2009 dont plus de 900 000 correspondent à des personnes simplement suspectées. C’est totalement délirant ; cela représentent 2% de la population française fichée génétiquement. George ORWELL n’est pas loin.

Et ce fichage se fait sans un bruit, petit pas par petit pas, les politiques s’étant bien gardés de lancer un débat national sur le bien fondé de ce fichage rampant de l’ensemble de la population française.

Mme VIAL : ce fichage n’est toutefois que provisoire, non ?

Me BUFFLER : pas vraiment.

Pour ce qui est des simples suspects finalement mis hors de cause, leur empreinte génétique peut être conservée pendant 25 ans. Elles peuvent toutefois demander à être effacée du fichier mais pour cela elles doivent en faire la demande officielle auprès du procureur de la République qui a la possibilité de refuser.

On en arrive ainsi à un système où des personnes à qui l’ont a finalement strictement rien à reprocher restent néanmoins fichées pendant 25 ans sauf à faire une demande officielle de désinscription qui dans l’absolu n’est pas forcément sûre d’aboutir. Je ne vois pas comment cela peut être conforme aux droits et libertés fondamentaux et surtout je ne vois pas comment nos parlementaires ont pu voter une telle horreur juridique.

Pour ce qui est des personnes condamnées, leur empreinte génétique reste enregistrée pendant 40 ans à compter du jour où leur condamnation est devenue définitive. Avec un appel ou un pourvoi en cassation, cela signifie qu’une empreinte peut être conservée près de 50 ans, un fichage à vie qui ne dit pas son nom.

Mme VIAL : n’y a-t-il pas moyen de refuser de se soumettre à un tel prélèvement ?

Me BUFFLER : juridiquement, non. Le refus de se soumettre à un prélèvement génétique pour les personnes mises en cause constitue un délit passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, voire deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende si l’auteur est finalement condamné pour crime.

Toutefois, la relaxe de ce faucheur volontaire à Orléans fait naître l’espoir d’une prise de conscience, notamment au sein de la magistrature, que nous sommes en train d’aller trop loin dans le fichage et le contrôle des individus.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

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