La délinquance des jeunes
Chronique octobre 2011
Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg
Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat
Mme VIAL : Me BUFFLER, mi septembre N. SARKOZY a annoncé l’adoption de nouvelles mesures afin de lutter contre la délinquance des mineurs. Un projet de loi doit notamment être déposé au Parlement afin d’encadrer militairement les jeunes délinquants récidivistes. Quel est votre sentiment quant à cette nouvelle loi ?
Me BUFFLER : mon sentiment est que le gouvernement brasse beaucoup d’air en ce qui concerne la lutte contre la délinquance, et notamment la délinquance des jeunes.
En matière de justice des mineurs, nous en sommes à la 8e, voire 9e, réforme depuis 2002. Les codes de procédure pénal et pénal que l’on peut acheter dans le commerce se trouvent périmés avant même d’avoir été mis en rayons. C’est de la pure folie.
Plutôt que de multiplier les textes de loi, notre gouvernement ferait mieux de mettre fin aux suppressions de postes au sein de nos commissariats de police. Notre justice a besoin de plus d’hommes et de moyens, pas de textes de loi.
Mme VIAL : qu’en est-il plus précisément de l’encadrement militaire des jeunes délinquants ? cela vous semble-t-il une alternative intéressante à l’emprisonnement ?
Me BUFFLER : en fait, cette mesure n’a rien de très novateur. Dès 1986, à l’initiative du Garde des Sceaux et du ministre de la Défense de l’époque, a été créée l’association « Jeunes en équipe de travail » (JET). Cette association avait pour mission d’organiser des stages de rupture de 4 mois à l’intention des jeunes délinquants. L’encadrement était assuré par des militaires volontaires.
Le moins que l’on puisse dire est que les résultats n’ont pas été brillants : un rapport d’information de 2003 notait notamment qu’un tiers des détenus majeurs ne terminaient pas leur stage, en raison soit de leur expulsion pour non-respect de la discipline, soit de leur évasion, soit d’une mesure de libération anticipée.
Par ailleurs, parmi les mineurs ayant bénéficié des JET, il apparaissait que 40 % seulement menaient à bien leur projet et ne retombaient pas dans la délinquance, soit un taux d’échec de 60%.
Au final, c’est M. Alliot-Marie qui a mis fin à l’expérience en 2004. Il est pour le moins cocasse que le gouvernement ressorte de la naphtaline une mesure qui avait été abandonnée 7 ans plus tôt faute de résultats convaincants.
Mme VIAL : mi septembre C. GUEANT annonçait par ailleurs des mesures spécifiques à l’encontre de la délinquance impliquant des mineurs roumains. Le ministre de l’Intérieur a notamment indiqué souhaiter qu’ils soient rapatriés dans leur pays. Qu’en pensez-vous ?
Me BUFFLER : une fois de plus ce n’est que du vent. 2 cas sont possibles:
1. soit les parents du mineur interpelé sont en France. Dans ce cas, dit M. Guéant, « [les mineurs] leur seront remis avant d’être rapatriés ». Or, si les parents de l’enfant n’ont rien à se reprocher, sur quel fondement vont-ils pouvoir être rapatriés avec leur enfant ? Aucun. Et comme un mineur ne peut être éloigné sans ses parents, ce qui est logique, cet enfant restera donc sur le territoire français avec ses parents !
2. soit les autorités sont dans l’incapacité de localiser les parents du mineur interpellé. Dans ce cas un rapatriement est possible sous réserve d’un accord international en ce sens. Or l’accord franco-roumain a été censuré par le Conseil Constitutionnel en 2010.
Ainsi, au final, absolument rien ne permet de rapatrier un enfant roumain, sauf si on a l’adresse de ses parents en Roumaine, ce qui est l’exception.
Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.