Les remises de peine

Les remises de peine

Chronique juin 2010

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, au mois de mai dernier nous apprenions que Véronique COURJAULT, auteur de plusieurs infanticides et condamnée à 8 ans de prison en 2009, faisait l’objet d’une libération conditionnelle. Comment est-il possible que quelqu’un condamné à 8 ans de prison puisse être libre seulement 1 an après sa condamnation ?

Me BUFFLER : tout d’abord il faut bien comprendre que si Madame COURJAULT a fait l’objet d’une libération conditionnelle 1 an après sa condamnation, cela ne signifie pas qu’elle n’a fait qu’un an de prison.

En effet, et cela est relativement courant en matière de crime ou délit, Madame COURJAULT a très certainement passé plusieurs mois, voire années, en prison avant d’être jugée en 2009 et cela dans le cadre de la détention provisoire. Bien évidemment, une fois condamnée, ses années de prison passées en préventive sont prises en compte et imputées sur les 8 ans auxquels elle a été condamnée.

Mme VIAL : certes, mais même en admettant que Véronique COURJAULT a passé 3 ou 4 ans de prison en détention provisoire, si elle est libérée en 2010 cela veut tout de même dire qu’elle n’aura fait que 4 ou 5 ans de prison sur les 8 ans auxquels elle a été condamnée. Comment expliquer cela ?

Me BUFFLER : en fait, il faut savoir que quand vous êtes détenu, si vous vous tenez à carreau en prison vous bénéficiez automatiquement de crédits de remise de peine qui sont de 3 mois par année de détention (2 mois seulement en cas d’incarcération suite à récidive). Ainsi, si vous êtes condamné à 4 ans de prison, vous n’en ferez en réalité que 3.

A côté de ces réductions de peine ordinaires s’ajoutent les réductions de peine supplémentaires. Celles-ci sont accordées aux détenus qui se tiennent bien en prison et qui, de surcroît, fournissent des « efforts sérieux de réadaptation sociale ».

Ces réductions de peine supplémentaires sont de 2 mois par an au maximum.

Ainsi, si vous êtes condamné à 4 ans de prison fermes, si vous bénéficiez de la totalité des réductions de peine existantes (soit 3+2 mois par an), vous ne ferez en réalité qu’un peu plus de 2 ans.

Toutefois, pour bénéficier des réductions de peine supplémentaires, il faut bel et bien démontrer des « efforts sérieux de réadaptation sociale ».

Le détenu doit ainsi justifier de son succès à un examen scolaire, universitaire ou professionnel, à tout le moins de progrès réels dans le cadre d’un enseignement ou d’une formation. Il doit également avoir fait un effort réel pour indemniser ses victimes. Et le juge y veille.

Mme VIAL : moralement, n’est-ce pas choquant ? Une cour d’assises prononce une peine et au final, avec l’ensemble de ces remises de peine, le condamné n’effectue qu’un peu plus de la moitié de la peine prononcée.

Me BUFFLER : en fait, il faut savoir qu’appliquer strictement une peine aggrave le risque de récidive. En effet, si ses efforts de réinsertion ne sont pas encouragés et récompensés, le détenu n’a aucun intérêt à bien se conduire et à faire des efforts de réadaptation sociale. Sans cette carotte, on multiplie le risque de voir le détenu encore plus mauvais à sa sortie qu’il ne l’était en entrant.

Mme VIAL : enfin, sauf erreur, Madame COURJAUT a bénéficié d’une libération conditionnelle. Qu’est-ce qu’une libération conditionnelle ?

Me BUFFLER : une libération conditionnelle peut être accordée au plus tôt à mi-peine. Le but est de préparer la sortie de prison du détenu et d’éviter que l’on ne le jette de la prison à la rue du jour au lendemain.

La libération conditionnelle est réservée aux détenus méritants dans des conditions voisines à celles des réductions de peine supplémentaires, à savoir justifier d’efforts sérieux de réadaptation sociale.

Si tel est le cas, le détenu pourra sortir de prison bien avant la date normale, sachant que comme son nom l’indique, cette libération anticipée est soumise à conditions : exercer une activité, se conformer aux mesures de suivi imposées et évidemment se tenir à carreau une fois libéré. Toute violation ou infraction, même mineure, signe le retour en prison de la personne en libération conditionnelle.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour une nouvelle jurichronique.

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