La Cour de Justice de la République

La Cour de Justice de la République

Chronique juin 2010

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, le 30 avril dernier Charles PASQUA a été condamné à un an d’emprisonnement avec sursis par la Cour de Justice de la République. Qu’est-ce que cette Cour de Justice de la République ?

Me BUFFLER : la Cour de Justice de la République est le tribunal qui instruit, et juge si nécessaire, les infractions commises par les ministres pendant l’exercice de leurs fonctions. Elle a été créée en 1993 afin de prendre la suite de la Haute Cour de Justice.

Seules les infractions réellement en rapport avec la conduite des affaires de l’État relèvent de cette Cour. Cela signifie que toute infraction d’ordre privé, ou concernant des mandats électifs locaux, est exclue. Elle relèvera des tribunaux ordinaires (tribunal de police, tribunal correctionnel ou cour d’assises).

Mme VIAL : cette Cour est-elle ouverte à tous les plaignants ?

Me BUFFLER : oui, ce qui n’a pas toujours été vrai. Ce n’est que depuis 1993 que toute personne peut la saisir.

Avant, seul le Parlement pouvait engager des poursuites contre un membre du Gouvernement dans l’exercice de ses fonctions. Autant dire qu’avec ce filtre parlementaire toute poursuite était purement illusoire.

C’est d’ailleurs cet accès restreint et peu démocratique qui a signé l’arrêt de mort de la Haute Cour, remplacée en 1993 par une Cour de Justice plus ouverte.

Il n’en reste pas moins que la Cour de Justice reste un tribunal d’exception puisque sur 15 juges, seuls 3 sont des juges professionnels. Les 12 autres sont en fait des parlementaires, moitié issus de l’Assemblée Nationale, moitié du Sénat.

Les personnes poursuivies devant la Cour de Justice de la République sont ainsi jugées par leurs collègues.

Mme VIAL : cette composition, pour le moins favorable, explique-t-elle la mansuétude de la Cour de Justice de la République dans le cadre du procès de Charles PASQUA ?

Me BUFFLER : certainement. Il est évident que lorsque l’on est jugé par ses pairs, la sanction est généralement moins lourde que si l’on est jugé par des tiers. Il y a bien sûr une part de copinage mais aussi et surtout le fait qu’un juge sera bien moins sévère avec le prévenu s’il sait qu’il risque lui-même de se retrouver un jour devant le même tribunal.

Mme VIAL : et pour ce qui est du procès PASQUA ?

Me BUFFLER : pour ce qui est des attendus de la Cour de Justice de la République, il est vrai qu’ils sont étonnants :

– d’un coté la Cour a retenu la gravité certaine des faits reprochés car commis par un ministre d’Etat dépositaire de l’autorité publique,

– de l’autre, la Cour indique faire preuve de mansuétude compte tenu de l’âge avancé du prévenu, alors que si Charles PASQUA a effectivement dépassé les 80 ans le jour de son procès, c’est bien parce que la Cour de Justice de la République a mis plusieurs années pour instruire le dossier et que Charles PASQUA a utilisé toutes les ficelles procédurales pour faire trainer son procès.

A cet égard, dans le cadre de l’affaire Clearstream, Dominique de VILLEPIN (et le Parquet) avait fait le choix de refuser de saisir la Cour de Justice de la République, justement pour éviter que le dossier ne s’enlise pendant des années (la Constitution le permettait-elle pour autant ? Ce n’est pas certain).

Mme VIAL : le procès PASQUA achevé, quels sont les prochains dossiers dont aura à connaître la Cour de Justice de la République ?

Me BUFFLER : c’est bien simple, aucun. A ce jour absolument aucun dossier n’a passé le premier filtre de la commission des requêtes. Résultat, absolument aucunes poursuites en cours.

On peut interpréter cette inactivité de 2 manières :

– soit nos ministres sont des parangons de vertu lorsqu’ils exercent leur fonctions gouvernementales, ce dont on ne peut que se réjouir,

– soit il y a de très forts blocages qui interdisent, sauf exception, que l’on mette en cause la responsabilité de nos ministres dans la gestion de leur dossiers.

A chacun de se faire son intime conviction.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour une nouvelle jurichronique.

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