L’accès aux condamnations de tiers
Chronique mars 2010
Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg
Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat
Mme VIAL : Me BUFFLER, Ali SOUMARE, tête de liste PS aux élections régionales pour le département du Val d’Oise, semble avoir été faussement accusé d’avoir un casier judiciaire chargé. Dans le cadre de cette polémique, Frédéric LEFEBVRE, porte-parole de l’UMP, a affirmé que n’importe qui pouvait avoir accès aux antécédents judiciaires de tout citoyen simplement en surfant sur internet ou en contactant le greffe du tribunal. Est-ce vrai ?
Me BUFFLER : en fait tout dépend de quoi on parle. Juridiquement, à partir du moment où un procès à fait l’objet d’une audience publique, le jugement qui en découle est lui-même public, donc accessible à n’importe qui. Il suffit de faire une demande de copie par simple lettre auprès du greffe (le secrétariat) de la juridiction qui a rendu la décision (tribunal correctionnel, d’instance, conseil des prud’hommes, etc).
En 15 jours vous recevez copie de la décision demandée dans votre boite aux lettres, et ce aussi bien en matière civile, que pénale ou droit du travail.
A titre professionnel, il m’arrive régulièrement d’écrire aux différents greffes pour obtenir copie de décisions susceptibles de m’intéresser et ce alors même que je ne suis l’avocat d’aucune des parties. A cet égard l’avocat a les mêmes droits que n’importe qui.
Mme VIAL : qu’en est-il d’internet ?
Me BUFFLER : à l’heure actuelle, il n’est pas possible de faire une telle demande par internet. Les informations recueillies par internet sont par conséquent forcément non officielles et donc à prendre avec les plus grandes précautions.
Mme VIAL : certaines informations, condamnations, sont-elles strictement confidentielles, quand bien même on écrirait au greffe du tribunal ?
Me BUFFLER : oui, bien sûr, notamment pour tout ce qui a trait aux mineurs. Dans la mesure où les audiences sont à huis clos, il n’est pas possible d’obtenir copie des décisions de justice relatives à des mineurs, que ce soit en matière pénale ou en matière éducative. Les avocats eux-mêmes doivent montrer patte-blanche et seuls ceux qui assistent l’une ou l’autre des parties peuvent accéder à ces informations.
Pour ce qui est du casier judiciaire, lorsqu’un employeur sollicite de son futur salarié la copie de son casier judiciaire, il faut savoir qu’il n’a accès qu’à certaines informations. Toutes les condamnations n’apparaissent pas, notamment celles relatives à des faits pour lesquels la personne condamnée était mineure ou si celle-ci a demandé au tribunal d’être dispensée d’une inscription au casier judiciaire.
Seul le tribunal, les services de police et de gendarmerie et la préfecture ont accès au casier judiciaire complet.
A toute fin, il faut savoir que le fait de se faire délivrer par l’administration le casier judiciaire d’un tiers est passible d’une amende de 7 500 euros.
Mme VIAL : enfin qu’en est-il des fichiers utilisés par la police ? N’est-ce pas purement et simplement une copie du casier judiciaire ?
Me BUFFLER : pas du tout ! Les fichiers utilisés par la police ou la gendarmerie, notamment le STIC (système de traitement des infractions constatées), c’est en fait la caverne d’Ali Baba, on y trouve de tout : les condamnations des personnes bien sûr mais également les affaires dans lesquelles elles ont été simplement suspectées, voire simplement victimes, et cela sans aucune hiérarchie. C’est un joyeux foutoir où les informations s’enchaînent sans aucune logique si ce n’est chronologique.
L’accès à ces fichiers est réglementé mais la tentation est grande pour certains policiers d’y jeter un coup d’oeil pour en faire bénéficier les petits copains qui n’y ont pas accès. C’est probablement ce qui a dû se passer dans le cas d’Ali SOUMARE : condamné en tant que mineur, son jugement de condamnation est confidentiel. Le maire de Franconville n’a probablement pu en prendre connaissance que par le biais du STIC qu’un ami autorisé a consulté pour lui.
Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.
NB :vous pouvez effectuer votre demande de copie de casier judiciaire à l’adresse suivante : https://www.cjn.justice.gouv.fr/cjn/b3/eje20 (réponse sous quelques jours).