Nos politiques et la profession d’avocat

Nos politiques et la profession d’avocat

Chronique mars 2010

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, Dominique de Villepin, Jean François Cope, Julien Dray, Segolène Royal, Rachida Dati,… on a l’impression que la profession d’avocat est ouverte à tout vent. Pourtant il me semblait que pour devenir avocat il fallait réussir un examen d’aptitude relativement sélectif… Qu’en est-il ?

Me BUFFLER : vous avez parfaitement raison : la voie normale pour devenir avocat passe par un succès à l’examen d’entrée à l’une des 10 écoles de formation à la profession d’avocat qui existent en France. Pour 10 places ouvertes il y a environ 100 candidats, soit un taux d’échec de près de 90%.

Pour autant il y a d’autres manières d’accéder à la profession d’avocat, moins sélectives. Et je crois pouvoir dire sans me tromper que par le biais de ces voies parallèles, la professions d’avocat est certainement l’une des professions les plus ouvertes de France.

Mme VIAL : c’est-à-dire ?

Me BUFFLER : premièrement, toute personne détentrice d’un doctorat en droit peut devenir avocat sans avoir à passer l’examen d’entrée. Quand on sait le nombre de docteurs en droit produit par la France dont la plupart n’ont aucun espoir de pouvoir décrocher un poste d’enseignant à l’université, je vous laisse imaginer le nombre de ces docteurs en droit qui se décident finalement, bon gré mal gré, à rejoindre la profession d’avocat.

Surtout, il y a quantité de possibilités pour rejoindre la profession d’avocat « sur titre », c’est-à-dire en justifiant d’un diplôme ou d’un parcours professionnel qui vous ouvrirait naturellement les portes de la profession d’avocat.

Ainsi, si vous avez été juriste pendant au moins 8 ans dans le service juridique d’une entreprise ou d’un syndicat, vous pouvez demander à l’ordre des avocats le plus proche de valider votre intégration à la profession d’avocat.

Pour Rachida Dati, cela tient au fait qu’elle a été magistrate ; or tout magistrat peut demander à intégrer la profession d’avocat, la formation de juge n’étant il est vrai guère éloignée de celle d’avocat.

L’inverse par contre n’est pas vrai : en France n’importe quel avocat ne peut pas devenir juge. En effet, pour prétendre à intégrer la magistrature française, l’avocat doit passer au préalable entre les fourches caudines de plusieurs commissions qui jugeront si au final l’avocat est digne d’intégrer la magistrature. Quand on sait qu’en GB nul ne peut être juge s’il n’a été avocat auparavant, on peut juger de la stupidité du système français.

Mme VIAL : mais qu’en est-il de Jean François Cope, Julien Dray ou Segolène Royal ? Sauf erreur, ils n’ont jamais été juges ou juristes dans le service juridique d’une entreprise et pourtant ils sont ou ont été avocats.

Me BUFFLER : pour ces 3 députés, cela tient justement au fait qu’ils sont parlementaires. En effet, tout parlementaire qui a exercé sa fonction au moins 8 ans peut demander à devenir avocat.

Ne me demandez pas en quoi le fait d’être parlementaire pendant 8 ans fait de vous un bon avocat ; en tout cas les textes le permettent aussi aberrant que cela puisse paraître.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

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