L’appel (en matière pénale)

L’appel (en matière pénale)

Chronique mars 2010

Radio Judaica 102,9 FM Strasbourg

Entretien entre Mme VIAL, journaliste, et Me BUFFLER, avocat

Mme VIAL : Me BUFFLER, à l’occasion du procès Clearstream, Nicolas SARKOZY a indiqué qu’il ne ferait pas appel de la décision de relaxe de D. de Villepin. Aussitôt, certains commentateurs se sont gaussés de cette déclaration en indiquant que de toute façon juridiquement Nicolas SARKOZY n’avait pas la possibilité de faire appel de cette relaxe. Est-ce vrai ?

Me BUFFLER : oui, c’est vrai. Pour comprendre il faut entrer dans les subtilités de la procédure pénale.

Lorsqu’une infraction est constatée par le Ministère Public ou rapportée par une victime, des poursuites sont engagées. Ces poursuites pénales sont appelées « action publique ». A l’issue de l’enquête ou de l’instruction, si les organes de poursuites estiment qu’il y a suffisamment d’éléments, la personne suspectée est renvoyée devant le tribunal ou la cour d’assises pour s’expliquer et être éventuellement condamnée.

La victime, que l’on appelle « partie civile », a la possibilité de suivre, voire de participer, à l’enquête et/ou l’instruction.

Devant le tribunal ou la cour d’assises, le Procureur de le République représente la société. Son rôle est de faire sanctionner par les juges tous les actes contraires à la bonne marche de la société. C’est lui qui propose la sanction, à charge pour les juges de le suivre ou non.

La partie civile, elle, par le biais de son avocat, va faire valoir devant le tribunal ou la cour d’assises son préjudice personnel (préjudice matériel, physique, psychologique, etc). La victime ne propose pas de peine ; elle chiffre son préjudice et demande aux juges de condamner la personne poursuivie à lui verser de l’argent en indemnisation de son préjudice.

Mme VIAL : et donc, si la décision rendue par le tribunal ou la cour d’assise ne satisfait pas l’une des parties, qui peut faire appel ?

Me BUFFLER : pour ce qui est de la personne mise en cause (prévenu ou accusé selon les juridictions), celle-ci a toujours la possibilité de faire appel tant sur l’action publique (la peine prononcée) que sur l’action civile (l’argent à verser à la victime).

Par contre, pour ce qui du Procureur de la République, celui-ci ne peut que faire appel de l’action publique s’il estime que la peine prononcée est trop légère. Pour ce qui est de la victime, celle-ci ne peut faire appel que de l’action civile.

Ainsi, dans le cas du procès Clearstream, Nicolas SARKOZY n’avait juridiquement absolument pas la possibilité de faire appel de la relaxe prononcée laquelle correspond à l’action publique. Il a par contre la possibilité de faire appel de l’action civile. Toutefois, comme il réclamait un euro symbolique de dommages et intérêts, cela n’avait pas grand sens.

Par provocation, j’ajouterais toutefois que dans la mesure où le Procureur de la République est sous la tutelle du Ministre de la Justice qui est elle-même sous la tutelle de Nicolas SARKOZY, ce dernier est bien la seule partie civile en France qui peut également faire appel de l’action publique.

Mme VIAL : merci Me BUFFLER et à la semaine prochaine pour un nouvel éclairage sur l’actualité juridique.

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